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Une victoire de principes

L’an dernier, FloraQuebeca présentait devant le Bureau des Audiences Publiques sur l’Environnement (BAPE), un avis sur le projet d’agrandissement du lieu d’enfouissement sanitaire de St-Athanase. Ce projet entraînerait la destruction d’une portion du Grand bois de St-Grégoire, près de St-Jean-sur-le-Richelieu, au sud-est de Montréal, en plus d’en modifier l’environnement sur une superficie importante.

Notre opposition à ce projet s’appuyait sur ces quatre arguments :

  • L’agrandissement du lieu d’enfouissement entraînera la destruction d’une population d’excellente qualité de phégoptère à hexagones (Phegopteris hexagonoptera), une fougère très rare et désignée menacée au Québec; il touchera aussi directement une autre espèce susceptible d’être désignée menacée ou vuln érable
  • Le Grand-Bois recèle une concentration exceptionnelle d’espèces protégées ou rares au Québec;
  • Le Grand-Bois, un des rares massifs forestiers de plus de 400 ha de la plaine du Richelieu, constitue un écosystème d’une grande valeur écologique, à cause de son rôle dans le maintien de la qualité de l’environnement; il constitue également une des plus importantes concentrations d’érablières matures de la plaine du Richelieu, un type de peuplement devenu très rare sur le territoire. La partie qui sera directement touchée par le projet couvre une vingtaine d’hectares, soit près de 5 % de la superficie totale du Grand-Bois.
  • Le Grand-Bois constitue également un élément du patrimoine paysager et culturel du Québec en ce qu’il contient de nombreuses ressources, qui jadis importantes, lient les communautés locales à la vie quotidienne de leurs ancêtres.

L’avis conclue qu’aménager un lieu d’enfouissement sanitaire aux dépens d’un habitat d’une telle importance pour le patrimoine naturel et culturel du Québec nous paraît peu responsable et injustifié. D’autres sites, de valeur moindre et plus appropriés, existent certainement ailleurs dans la Municipalité Régionale de Comté du Haut-Richelieu.

Grâce à une lettre envoyée à quelques centaines de botanistes et amants de la nature du Québec et d’ailleurs au Canada, notre position a reçue l’appui explicite de plus de 250 d’entre eux. J’ai eu le plaisir et l’honneur de remettre moi-même l’impressionnante liasse de lettres d’appui à la présidente de la commission, Madame Nicole Boulet, lors de la dernière scéance des audiences.

Le BAPE a rendu publique son rapport le 5 juillet dernier. Comme l’indiquent ces quelques lignes extraites du communiqué de presse, les recommendations de la commission sont claires :

Bien qu’il y ait un réel besoin d’élimination de matières résiduelles pour la MRC du Haut-Richelieu, la commission croit que la capacité du site proposé dépasse largement ce besoin et que la démonstration n’a pas été faite que le projet puisse être une solution à la problématique régionale d’enfouissement de matières résiduelles en Montérégie.

Mais fait plus important pour nous, un peu plus loin le communiqué précise :

La commission pense également que l’agrandissement projeté porterait atteinte à la biodiversité du Grand Bois de Saint-Grégoire au regard de son empiètement et en raison de la présence d’espèces floristiques désignées menacées ou susceptibles d’être désignées menacées ou vulnérables. Selon la commission, le Grand Bois de Saint-Grégoire est un écosystème de grande valeur écologique et mérite d’être intégralement protégé.

Reste à savoir maintenant si le nouveau et jeune ministre de l’environnement, M. André Boisclair, entendra les sages conseils de la commission. Quelle que soit sa décision, cependant, j’estime que le fait que le BAPE ait été sensible aux arguments des botanistes représente une belle victoire de principes que je suis fier de partager avec vous.

Patrick Nantel, président 1997-2002