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Neuvième rendez-vous botanique – les marbres laurentiens

Avec la collaboration de FloraQuebeca et de Conservation de la nature–Québec, le neuvième rendez-vous botanique s’est déroulé les 6 et 7 juillet 2002 dans la région de la Haute-Gatineau sur les marbres laurentiens que l’on retrouve le long de la rivière Gatineau entre Maniwaki et Bouchette et près des nombreuses cavernes du secteur. L’activité d’inventaire, d’observation et de sensibilisation a permis aux participants de connaître plusieurs espèces menacées ou vulnérables qui colonisent les cédrières, les pinèdes et les érablières de la région. Cette dernière était peu explorée sur le plan botanique, et les découvertes récentes offraient la possibilité de découvrir la flore d’une région ainsi que des sites exceptionnels sur le plan floristique.

Neuf sites ont été explorés le 6 juillet, avec des résultats parfois exceptionnels. Le site des rapides Tête des Six, sur la rivière Gatineau, a permis de découvrir les espèces menacées ou vulnérables ou susceptibles d’êtres ainsi désignées (ESDMV) suivantes : Sorghastrum nutans, Solidago ptarmicoides, Rubus flagellaris, Cypripedium arietinum (espèce désignée menacée). Une autre espèce, l’Anemona multifida, n’avait jamais été recensée dans la région de l’Outaouais, et sa découverte permet de faire un lien entre les stations de la baie de James et celles de l’est du Québec. Le site des rapides du Corbeau a permis de découvrir les ESDMV suivantes : Elaeagnus commutata et Rubus flagellaris. Les autres sites visités par différentes équipes n’ont pas permis de découvrir de nouvelles espèces, outre celles précédemment découvertes sur l’une des deux rives. Ainsi, la rive opposée au Bonnet Rouge, où l’on connaît déjà le Sorghastrum nutans, la verge-d’or faux-ptarmica (Solidago ptarmicoides) et le Rubus flagellaris, n’a permis de découvrir aucune nouvelle espèce. Il en va de même avec l’île séparant le rapide des Cèdres, où l’on connaissait déjà le Sorghastrum nutans sur la rive de la rivière Gatineau.

Trois équipes se sont attardées sur les grottes du secteur. Mes découvertes récentes de la doradille ambulante (Asplenium rhizophyllum) dans ce secteur étaient souvent associées à la présence de cavernes dans la région. Les cavernes de la Haute-Gatineau sont exclusivement dans la zone de marbre, roche calcaire, et les parois environnantes sont un habitat potentiel pour la doradille ambulante. Pas de chance pour les équipes qui ont visité les grottes de Déléage, de Bouchette et de Sainte-Thérèse-de-Gatineau. Cependant, une observation intéressante effectuée par une de ces équipes est la présence du Woodsia glabella sur un escarpement près de la chute Rouge, car cette fougère n’est connue au Québec que de 3 localités au sud de la région du lac Saint-Jean.

Une équipe a visité la réserve écologique de l’Érablière du Trente-et-Un-Milles et la réserve écologique Père-Louis-Marie afin de retrouver une vieille mention du ginseng à cinq folioles (Panax quinquefolius), mais le temps disponible n’a pas permis le succès escompté. Finalement, la dernière équipe avait comme mission de repérer les deux espèces de Carex susceptibles d’être désignées menacées ou vulnérables qui avaient été trouvées 35 ans auparavant. Mission accomplie : le carex de Back (Carex backii) et le carex argenté (Carex argyrantha) ont été redécouverts à Messines.

Le lendemain, la journée était consacrée à la visite de certains sites connus d’espèces menacées ou vulnérables ou susceptibles d’être ainsi désignées. Difficile d’organiser le tout, car la formation d’un convoi d’une trentaine d’autos n’est pas une tâche aussi facile que l’on pouvait croire. Le premier site visité était celui du Bonnet Rouge, où les gens ont pu observer la verge-d’or faux-ptarmica (Solidago ptarmicoides) et le faux-sorgho penché (Sorghastrum nutans).

Le deuxième site était un milieu fraîchement perturbé par la construction d’une route près de la jonction des chemins du lac Heney et du lac Désormeaux, qui a permis l’émergence d’une importante population d’Adlumia fungosa et de Corydalis aurea en 2001. Ces deux espèces profitent des perturbations pour s’établir, et les participants ont pu constater que la colonie avait fortement diminué en 2002, passant de plusieurs centaines de sujets à quelques-uns seulement.

Le troisième site, au lac Heney, a permis aux participants d’observer le ptérospore à fleurs d’andromède (Pterospora andromedea), qui commençait à émerger du sol, et le cypripède tête-de-bélier (Cypripedium arietinum). Ces deux espèces sont souvent associées dans les pinèdes à pin blanc et thuya, sur marbre, calcaire ou argile, près des rives de grands lacs ou rivières. Un participant bien connu, Jacques Labrecque, a surpris tout le monde par sa découverte du Carex de Back (Carex backii) pendant que tous les participants s’attroupaient autour du ptérospore.

Une visite réclamée par plusieurs a changé le plan initial de la journée, et tous les participants se sont retrouvés dans une cédrière de Point-Comfort pour observer la floraison de la corallorhize striée (Corallorhiza striata var. striata), quelques sujets végétatifs de cypripède royal (Cypripedium reginae) et, pour les plus chanceux, quelques sujets de calypso bulbeux (Calypso bulbosa var. americana). Cette cédrière riche en orchidées a permis aux participants de découvrir plusieurs autres espèces comme le Platanthera orbiculata, le Platanthera obtusata et le Goodyera repens.

Durant l’après-midi, la plaine sablonneuse de Kazabazua a été visitée par les participants, qui y ont observé le céanothe à feuilles étroites (Ceanotus herbaceus) et le Lysimachia quadrifolia. Ce dernier a été observé dans six stations au Québec. Kazabazua est l’un des deux seuls sites de l’Outaouais où la présence de cette plante a été confirmée récemment.

Le site suivant était les abords du barrage de la chute Paugan, à Low. Les participants ont pu y observer deux fougères rares : la doradille ambulante (Asplenium rhizophyllum) et la pelléade à stipe pourpre (Pellaea atropurpurea). Finalement, un groupe d’irréductibles ont fait un petit détour lors de leur retour afin d’observer l’orme liège (Ulmus thomasii), au sud de Low.

par Frédéric Coursol